Les années fastes
1855
Longtemps malade, incapable de travailler, Courbet a pris du retard dans l’exécution de son Atelier. Année de l’exposition universelle, il y propose plusieurs toiles, mais le refus de L’Atelier du peintre et d’Un Enterrement à Ornans le convainc d’organiser une exposition parallèle. Le 25 juin, ouvre ainsi le Pavillon du réalisme, avenue Montaigne, première exposition indépendante du peintre d’Ornans (jusqu’en décembre).
1856
Courbet s’inscrit désormais résolument dans un esprit de provocation. Il peint Les Demoiselles des bords de Seine, image troublante de deux femmes alanguies sur une pelouse, où affleure une certaine lascivité. Passe l’hiver à Ornans.
1857
De retour à Paris en début d’année, Courbet va à Montpellier en mai-juin rendre une seconde visite à Bruyas. En été, il expose six toiles au Salon, dont Les Demoiselles des bords de Seine, sur lesquelles se déchaînent les critiques. Malgré tout, Courbet s’affiche satisfait du succès qu’il y a rencontré. En fin d’été, il se rend à Bruxelles où il y expose quelques œuvres, dont La Curée et Les Cribleuses de blé réalisé en 1855.
1858
Une année quasiment intégralement passée à l’étranger, d’abord à Bruxelles, pour les six premiers mois, puis à Francfort où il participe à des chasses. Il s’adonne, pour vivre, à l’exercice de portraitiste mondain, mais peint aussi de nombreux paysages.
1859
En février, Courbet arrive de Francfort à Ornans ; le mois suivant, il y achète une ancienne fonderie qu’il transforme en vaste atelier. Retour à Paris en mai, puis séjour estival au Havre. Séjourne à Ornans en automne, puis chez un ami à Vuillafans (Doubs) une bonne partie de l’hiver.
1860
Année pratiquement entièrement passé en Franche-Comté, où il supervise les travaux de son nouvel atelier d’Ornans. Ses productions sont abondantes, mais se font dans le sens de la demande : portraits, paysages, scènes de chasse. Les commandes affluent. Il reçoit succès et honneurs à l’occasion de l’Exposition universelle de Besançon où il expose quatorze tableaux. Ce regain d’intérêt se matérialise cette année-là par la publication du premier article important que lui consacre l’influent critique Champfleury.
1861
Expose un paysage et quatre scènes de chasse au Salon, dont deux grands formats élaborés dans son atelier d’Ornans, Le Rut du printemps, présentant un combat de cerfs, et Le Cerf à l’eau, qui dramatise la mort de l’animal. De retour à Paris pour l’été, Courbet fait une tournée triomphale de quelques jours en août à Anvers. En décembre, il publie une lettre aux jeunes artistes français pour leur expliquer sa théorie sur l’enseignement de l’art et ouvre un atelier rue Notre-Dame-des-Champs pour les réunir autour de lui dans la pratique.
1862
L’atelier utopiste de Courbet ferme en mars. Après des déboires amoureux, son année sera marquée par un long séjour dans l’Ouest, d’abord en Saintonge chez Etienne Baudry, puis à Port-Berteau en Charente chez un peintre régional, où le goût de la provocation le reprend : il y peint une toile diablement anti-cléricale représentant un groupe de curés saouls traverser la campagne sous le regard hilare des paysans, Le Retour de la conférence, tableau disparu.
1863
Courbet séjourne de janvier à mai chez la famille Borreau à Saintes, où il fait le Portrait de Laure Borreau. Il y prépare le Salon, où il envoie Le Retour de la Conférence dans l’espoir qu’il y soit refusé pour y créer le scandale. Il l’exposera donc à titre privé dans son atelier. Mais la toile fait débat y compris parmi ses premiers soutiens, dont certains s’éloignent, comme Champfleury. Passe l’automne et l’hiver à Ornans.
1864
Dans son atelier d’Ornans, il se lance dans le traitement sulfureux d’un nouveau genre : le double nu féminin à l’inspiration saphique : Vénus et Psyché. Sous une pseudo couverture mythologique, Courbet construit une œuvre si sensuelle qu’elle sera jugée inconvenante et refusée au Salon. Il l’exposera alors en Belgique. Séjourne la fin de l’année à Salins, chez son ami d’enfance Buchon.
1865
En janvier meurt le penseur social-libertaire Proudhon, ami et compatriote de Courbet, qui s’empresse de réaliser son célèbre portrait en famille : Le Portrait de Pierre-Joseph Proudhon en 1853 est exposé au Salon, ainsi que le Puits-Noir, l’un des motifs paysagers récurrents de sa production. Retour à Paris en mai. De septembre à fin novembre, il fait un séjour heureux à Trouville où il fait la connaissance du peintre américain James Abbott Whistler, en compagnie duquel il peint de nombreuses marines, et surtout de la maîtresse de ce dernier, Joanna Hiffernan, dont il fait plusieurs portraits.
1866
Resté à Paris l’hiver pour préparer le Salon, dans lequel il projette de nouvelles ambitions : deux tableaux sensés flatter le goût mielleux second-empire : un nu d’une extrême sensualité, La Femme au perroquet, et un paysage de sous-bois bucolique, la Remise de chevreuils au ruisseau de Plaisirs-Fontaine. L’un et l’autre reçoivent un bon accueil, et il fut même question que l’Etat acquiert la Femme au perroquet, mais la rétractation au dernier moment du surintendant des Beaux-arts nourrit une correspondance abondante et franche, dans laquelle Courbet affirme son indépendance. Parallèlement, il peint ses oeuvres les plus sulfureuses pour la collection privée du collectionneur turc, Khalil Bey, Le Sommeil et L'Origine du monde. Retour au bord de l’océan, à Deauville, mi-septembre à mi-octobre.
1867
A l’ occasion de l’Exposition universelle de 1867, Courbet réitère l’expérience de l’exposition privée, place de l'Alma, dans laquelle il compte réunir 300 tableaux. Venu en Franche-Comté assister aux derniers jours de son ami Cuenot, il peint à Ornans L’Hallali du cerf, immense composition de chasse, qui remporta un vif succès et qui fut la première à être vendue aux Etats-Unis. Retour à Paris en mai pour l’ouverture de son pavillon d’exposition. Fermeture de l’exposition en novembre.
1868
Au printemps, Courbet s'exerce polémiste en publiant un pamphlet politique et anticlérical. Au Salon, en mai, il ne présente que deux peintures ; son style fait sans doute moins polémique, mais la critique n’en reste pas moins acerbe, comme un témoigne un long article de Théophile Gauthier contre Courbet le 11 mai 1868. Il rencontre plus de succès à Gand où il expose douze tableaux de début septembre à mi-novembre ; lui se rend au Havre en septembre pour une autre exposition, avant de séjourner à l’automne à Ornans.
1869
Retour à Paris en mai pour le Salon où il présente deux tableaux déjà présenté en 1867 ; parallèlement, il envoie quatre toiles au Salon de Bruxelles et quatre autres à Munich. D’août à septembre, il séjourne plusieurs semaines à Etretat, où il peint de nombreuses marines, dont La Mer orageuse et La Falaise d’Etretat après l’orage qui feront l’unanimité au Salon de l’année suivante. Médaillé à Bruxelles, et décoré à Munich par le roi de Bavière, il se rend en Allemagne et y séjourne plusieurs semaines avant de se retirer à Ornans.
1870
Année charnière de la vie du peintre, dont l’acmé du succès est à placer en juin, où il est nommé chevalier de la Légion d’honneur, une décoration qu’il se délecte de refuser publiquement ; le concert de louanges ayant accueillis ses marines au Salon en font un peintre désormais bien assis sur sa réputation. Mais les événements politiques vont faire basculer son destin. Défait à Sedan le 2 septembre par les Prussiens, le Second Empire s’effondre et Courbet s’engage dans la défense de la République : élu président de la Commission des arts, il est chargé de la protection des œuvres d’art à Paris lors du siège de l’hiver 1870-1871. S’impliquant totalement dans sa fonction, il ne produit plus de peinture.